J'ai eu la chance de connaître Valentine, une de mes arrières-grands-mères maternelles. Pour ses petits-enfants et arrière petits-enfants c'était mémère Valentine. Toute petite bonne-femme à l'éternel tablier bleu-gris, les cheveux blancs tirés en chignon, Valentine, est décedée quand j'avais 20 ans et je ne l'ai jamais imaginée autrement que comme une très vieille dame avec des grelots dans la voix qui vivait dans un logis datant d'un autre temps.
De Georges son mari je ne savais que très peu de choses rapportées par maman sa petite-fille.Il était militaire et a combattu lors de la première guerre mondiale. Lors du conflit il a été gazé et même s'il a pu survivre à l'horreur des combats, il est décedé en 1936 d'une maladie pulmonaire liée à cette intoxication aux gaz.
De ce passé militaire je ne connaissais qu'un uniforme gardé précieusement par Valentine et aperçu fugitivement au fond d'une armoire. J'étais alors enfant et ce bref instantané est resté intact dans ma mémoire mais je regrette de ne pas avoir davantage posé de questions à l'époque.
Aujourd'hui je mène l'enquête et grâce aux témoignages, aux cartes postales et photos gardées par les uns et les autres et à la magie d'internet, je découvre notre histoire familiale dans l'Histoire.
Fiancés au tout début de la guerre, Georges et Valentine s'écrivent, depuis l'été 1914, leur amour, des baisers et des promesses, se retrouvant lors de très rares permissions de Georges, mobilisé de la première heure, à l'âge de 23 ans, comme toute une génération de jeunes français
En septembre 1918, après quatre longues années d'attente pendant lesquelles la guerre cristallise toutes les peurs, Georges, cantonné avec le 23ème régiment d'infanterie en Alsace a enfin la permission de revenir dans les Vosges pour s'unir à sa belle.
Alors que pour les poilus, les combats continuent dans la Somme et dans l'Aisne où les alliés gagnent du terrain, transportons-nous, plus de cent ans en arrière, à Pouxeux, petite commune vosgienne . Parenthèse dans le conflit pour l'adjudant Georges Houot, ce lundi 9 septembre 1918 est le jour de son mariage avec sa promise Valentine Colin.
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Extrait du livre d'Etat Civil de la Mairie de Pouxeux. Merci à Isabelle Mazingand pour la photo
Vers 11h30, en ce joli jour, les jeunes mariés sortent de la mairie de Pouxeux, village natal de Valentine, en compagnie de leur famille mais sans leurs pères décédés. André, le frère de Georges,également soldat, alors prisonnier des allemands, manque aussi à l'appel.
Sur la place du village, les habitants de Pouxeux présents peuvent admirer la charmante Valentine sortant de l'église au bras de son beau soldat de mari.
La jeune épouse porte une robe blanche simple raccourcie aux chevilles comme le veut la mode à cette période. Est-ce ses soeurs Anna, Mathilde, Marguerite et Léonie ou sa maman Anna qui l'ont aidée à confectionner cette robe pour ce beau jour?
Sa tête et son corsage sont ornées de fleurs d'oranger confectionnées en cire et traditionnelles en ce début de siècle. Si,à cette époque, le long temps de pose pour les photographies ne permet pas de sourire, je suis persuadée que mon aïeule, cette jeune femme de 20 ans resplendit de bonheur.
Exemples de couronnes et bouquets de fleurs d'oranger en cire du début du 20ème siècle.
George simple fantassin lors de sa rencontre avec Valentine est maintenant adjudant au 23 ème régiment d'infanterie.Il porte une vareuse bleu horizon sur laquelle sont cousus au bras gauche 6 chevrons de présence au front, les briscards ( 1 pour la première année, chaque autre pour 6 mois supplémentaires).
A vingt-sept ans il a vécu l'ensemble du conflit et s'est illustré personnellement et avec l'ensemble de son régiment pendant cette terrible guerre. Son uniforme est décoré de la croix de guerre étoilée en raison de ses actes de bravoure et de la fourragère aux couleurs de la croix de guerre remise en avril 1917.
Qu'il doit être fier, Georges au bras de sa jeune épouse! En ce jour de fête, craint-il pour l'avenir alors que le conflit n'est pas terminé? Repense-t-il à toutes les horreurs qu'il a traversées depuis sa mobilisation? Je ne peux malheureusement plus questionner mes ancêtres mais je suis intimement convaincue que Georges a tenu bon pendant ces quatre années de guerre en partie grâce à l'amour qu'il portait à Valentine.
Finalement cet article n'est que le début d'une série car à partir de cette photo de mariage, d'actes d'état civil et de
quelques cartes postales j'ai réussi à partir sur les traces du soldat Georges Houot mobilisé dès le 2 août 1914 et à m'égarer dans les tranchées du premier conflit mondial.
Notre histoire dans l'Histoire....A suivre....